Introduction
Ce livre résulte de l’effort personnel d’un entrepreneur de foi musulmane pour tenter de comprendre et d’appliquer les enseignements de l’Islam au phénomène économique et social qu’est l’entrepreneuriat dans les conditions du XXIème siècle (15ème siècle de l’Hégire). Si une « économie islamique » et surtout la banque et la finance islamiques ont fait l’objet d’études, et même de réalisations importantes dans le cas de la banque et de la finance, très peu semble avoir été écrit sur les rapports entre la doctrine islamique et l’entrepreneuriat. Or l’entreprise est l’acteur central de toute économie, dont dépendent tous les autres, consommateurs, États, banques, etc. Dans une « économie islamique », l’entreprise ne peut se réduire au seul fait d’offrir des produits dits « halal ».
L’entrepreneuriat est largement enseigné et étudié dans les écoles de gestion et de commerce qui forment les dirigeants et cadres des entreprises capitalistes. Implicitement, celles-ci sont considérées comme le modèle allant de soi et indépassable de toute entreprise. Or ce modèle correspond-il aux préceptes et valeurs de l’Islam? Et si ce n’est pas le cas, comme le soutient le présent essai, ne convient-il pas alors de concevoir un modèle d’entreprise alternatif en se plaçant du point de l’Islam.
Se soumettant à Dieu, le musulman croit, comme dit le Coran, que c’est à Dieu, « d'indiquer la bonne voie (sourate 92, verset 12), d’autant plus qu’il n’y a « rien [d’]omis dans le Livre éternel (6, 38). Humblement, tout musulman entrepreneur se doit donc de s’efforcer de trouver dans sa religion une guidance dans son activité. Les « bonnes pratiques » pour la création et la gestion d’entreprise se trouvent nécessairement dans les textes sacrés, il s’agit de les y chercher. C’est que le présent essai s’est efforcé de faire, à partir d’une relecture lente attentive et méditative de tout le Coran pour y détecter toute parole susceptible d’interpeller tout entrepreneur, et de donner un éclairage sur l’un ou l’autre aspect de la pratique entrepreneuriale. L’objectif n’est pas de proposer l’inutile concept de ce que serait une « entreprise islamique » réservée aux seuls musulmans, mais de montrer une autre façon d’entreprendre, inspirée en l’occurrence du Coran, et dont peut bénéficier tout entrepreneur, quelle que soit sa croyance.
Évidemment on ne trouve pas dans le Coran de recettes toutes faites, seulement des versets suffisamment détaillés (11, 1), donc au bon niveau de précision selon le sujet. Parfois des détails sont donnés, le plus souvent ce sont des principes généraux dont il nous appartient de trouver les modalités d’application, en utilisant la parcelle d’intelligence dont Dieu nous a gratifiés, puisqu’Il nous a révélé des versets clairs afin que vous puissiez y réfléchir (24,1). La compréhension du Coran est une invitation à faire usage de sa raison, sans tomber dans la prétention orgueilleuse que l’Homme pourrait, avec sa seule raison, parvenir à trouver les bonnes solutions.
C’est avec la plus grande modestie et prudence que l’auteur livre sa compréhension de certains versets coraniques, complétés par quelques hadiths. Surtout que, ne connaissant pas l’arabe, il n’a utilisé qu’une traduction française du sens des versets. De plus, il est possible que des oulémas du Droit islamique et de la Charia, que l’auteur connaît peu, se soient prononcés sur l’un ou l’autre des sujets abordés ici. D’autres mieux qualifiés corrigeront, contesteront ou approuveront les thèses soutenues ici. Mais l’auteur sait qu’en Islam, l’effort personnel de recherche (ijtihad) est légitime. Et seul Dieu est savant (ou sait mieux).
Ce que par contre l’auteur fait valoir, c’est une expérience professionnelle de quelques 38 années en création et direction d’entreprises dans des pays du Nord et du Sud. Or il est évident qu’une telle pratique permet de mieux questionner le texte coranique sur des sujets qui échapperaient à tout spécialiste du texte ou de l’histoire qui n’aurait aucune expérience vécue de la gestion d’entreprise. Une devise du célèbre savant et artiste Léonard de Vinci était : « faire pour comprendre et comprendre pour faire ». L’action au ras des pâquerettes est le meilleur point de vue pour comprendre la théorie et ensuite mieux l’appliquer. C’est sur cette « praxis », cet aller-retour entre la théorie et la pratique, que repose le présent exercice.
La première partie de l’essai présente et classifie près de 400 versets dont le sens, en supposant qu’il soit correctement compris, a selon l’auteur une conséquence sur un aspect ou l’autre de la conception et de la pratique de l’entrepreneuriat social. Pour ne pas alourdir le texte, seuls les extraits des versets pertinents en rapport avec notre sujet (en italique dans le texte), sont le plus souvent cités, la référence entre parenthèses permettant au lecteur de retrouver le texte complet. Tous les versets sur un même sujet ne sont pas nécessairement cités. Les chapitres donnent les thèmes sous lesquels les versets sont ainsi regroupés et commentés. La seconde partie développe une conception de l’entrepreneuriat qui tente de tirer parti des enseignements de la première partie en y ajoutant les détails que la réflexion peut apporter.